Ces résultats sont publiés dans la revue Nature Materials.
Imaginez que nos routes puissent auto-réparer les dégâts engendrés par le trafic routier. Plus de nids de poules, plus de fissures à réparer, simplement le plaisir de conduire sur un asphalte parfait, le rêve... Ce processus d’autoréparation du réseau de communication a été mis en évidence sur les microtubules, véritable autoroute cellulaire suite aux dégâts engendrés par des moteurs moléculaires nécessaires au transport intracellulaire.
Les microtubules sont des polymères biologiques rigides qui parcourent la cellule. Ils sont assemblés à partir de dimères de tubuline. Les microtubules sont impliqués notamment dans le transport intracellulaire. Ils sont en permanence empruntés par des moteurs moléculaires, kinésines ou dynéines, qui vont utiliser l’énergie de l’ATP pour transporter des cargos et ainsi assurer le transport des protéines. Les microtubules, lors de leur assemblage sont majoritairement constitués de dimères de tubuline GTP, mais rapidement l’hydrolyse du nucléotide en GDP va marquer leur vieillissement.
Dans le cadre d'une collaboration notamment avec l’université de Californie San Diego (UCSD), les chercheurs ont pu montrer que les moteurs moléculaires en mouvement peuvent retirer des dimères le long des microtubules. Ces dégâts peuvent engendrer la destruction totale des microtubules. Cette destruction des microtubules a été mise en évidence dans un système biomimétique in vitro mimant le transport intracellulaire (Figure). Cependant, en présence de dimère de tubuline libre, les microtubules peuvent auto-réparer les dégâts induits par les moteurs moléculaires. Ce mécanisme d’autoréparation a été observé in vitro en utilisant des microtubules fluorescents verts en présence de dimères de tubuline rouge. L’autoréparation des dégâts engendrés par les moteurs moléculaires apparaissant comme des points rouges le long de microtubules verts.
Figure : Destruction des microtubules par des moteurs moléculaires. Le microtubule (vert) est parcouru par des moteurs moléculaires (violets) dans un système reconstitué in vitro. Les moteurs moléculaires enlèvent des dimères de tubuline du microtubule induisant sa fragmentation et sa dépolymérisation. Observation par microscopie à onde évanescente.
© Sarah Triclin, Cytomorpholab.
Ce processus d’autoréparation à plusieurs intérêts. Premièrement, il évite la destruction des microtubules parcourus par les moteurs moléculaires et donc permet la maintenance de la route sur laquelle s’effectue le transport. Deuxièmement, il va contribuer au rajeunissement des microtubules. En effet, les sous-unités endommagées par le travail des moteurs moléculaires sont des dimères de tubuline GDP (âgés). Lors de l’autoréparation ces sous-unités GDP vont être remplacées par des dimères de tubulines GTP. Grâce à ce mécanisme plus un microtubule va être parcouru par un moteur moléculaire, plus il va être endommagé et auto-réparé et donc rajeunit et renforcé. Ainsi le transport favorise le transport et peut transformer les petites routes fréquemment utilisées en autoroute.
L’autoréparation et le rajeunissement sont des processus que l’on souhaiterait pouvoirs associer à de nombreuses fonctions biologiques. Il est maintenant important d’étudier quelles implications ces mécanismes vont avoir sur l’organisation intracellulaire, déterminer si certains microtubules vont préférentiellement être affectés par ces processus et ainsi acquérir des propriétés particulières pouvant engendrer des réponses cellulaires spécifiques.