Par Alexandre Schaeffer
Équipe CytomorphoLab
La polarisation est un processus fondamental de la physiologie cellulaire. Le cytosquelette est un acteur clé de l'émergence et du maintien de la polarité cellulaire. Les microtubules forment un réseau dynamique et sensible qui contrôle l'organisation intracellulaire. Le centrosome est une organelle dépourvue de membrane qui nuclée une grande partie du réseau de microtubules et se situe en son centre. Le centrosome se situe généralement près du centre géométrique des cellules. Le repositionnement du centrosome est considéré comme un marqueur clef des phénomènes de polarisation cellulaire. Il est accepté que le positionnement du centrosome résulte de l'intégration de des forces qui agissent sur le réseau de microtubules. Varier la répartition et l’amplitude des forces le long du réseau de microtubules devrait donc forcer le centrosome à occuper des localisations cellulaires différentes. L'évaluation de l'état mécanique du réseau apparaît comme un moyen intéressant de comprendre comment les forces intracellulaires peuvent façonner l’organisation interne des cellules et sous-tendre les phénomènes de polarisation. Comment les forces sont-elles transmises à travers le réseau ? Comment modifient-elles la géométrie du réseau ? Comment affectent-elles le positionnement des centrosomes ? Nous nous sommes intéressés plus spécifiquement à deux types de cellules adhérentes isolées issues de mammifères : les fibroblastes et les cellules épithéliales. Nous avons utilisé le patterning cellulaire, l'ablation laser, des drogues du cytosquelette, l'énucléation cellulaire, la microscopie d'expansion, la dual fluoresent speckle microscopy pour disséquer la mécanique du réseau de microtubules ! Le réseau de microtubules est presque entièrement intégré dans le réseau d'actine. Les microtubules apparaissent figés et peuvent à peine se déplacer indépendamment de l'actine. Aucune force significative spécifiques aux microtubules n’a pu être détectée le long du réseau de microtubules. Nous apportons un nouveau point de vue sur les phénomènes de centrage en proposant que deux mécanismes existent en parallèle pour réguler la localisation du centrosome. Aux temps courts, l'aster est piégé à l'intérieur du réseau d'actine et ne peut pas se déplacer. Les asters bien positionnés peuvent demeurer centrés grâce à leur incorporation dans le maillage d'actine. L’altération de leur dynamique et la diminution de leur taille n'affectent pas leur capacité à rester centrés tant que le réseau d'actine est intact. Nous appelons ce processus le maintien du centrage. À plus long terme, les asters peuvent se décentrer après des épisodes de division cellulaire ou d'étalement cellulaire. Nous montrons que la dynamique de l'aster de microtubules revêt une grande importance dans les phénomènes de recentrage. Nos données suggèrent que l'aster peut diriger le remodelage du réseau d'actomyosine. En remodelant le réseau d'actomyosine, les microtubules permettent le repositionnement du centre géométrique de la cellule à l'emplacement du centrosome. C'est ce que nous appelons le recentrage du centrosome. Le centrosome n'est pas celui qui se déplace vers le centre géométrique, c’est au contraire le centre géométrique qui bouge vers le centrosome. Ce travail pose le centrosome comme organisateur majeur du volume cellulaire ! Néanmoins, la manière dont l'information est transmise du centrosome à l'actine demeure encore mystérieuse... Comment le réseau d'actine peut-il détecter la position de l'aster pour modifier de manière fiable sa forme et sa dynamique afin de centrer le centrosome ? La suite de ce travail consistera à étudier plus en détail l'impact de la dynamique des microtubules sur les processus de recentrage. Un aster non dynamique de grande taille est-il capable de se recentrer ? Des régulateurs communs à l'actine et aux microtubules tels que GEF-H1 sont-ils impliqués dans ce dialogue entre le centrosome et l’actine ?