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Fait marquant

« Sang des glaciers » : comment une algue s’adapte à la vie dans la neige


​​​​​​​​Au printemps, les glaciers alpins se teignent parfois d’une fine couche rouge ou orangée. Ce phénomène, connu sous le nom de « sang des glaciers », est dû à la pullulation d’une algue microscopique appelée Sanguina nivaloides. En collaborations avec des scientifiques du CNRS, du CEA, de Météo-France, d’INRAE, et de l’Université Grenoble Alpes nous nous sommes intéressés à cet organisme qui constitue le pilier d’un écosystème des neiges encore très peu connu. Nos résultats sont publiés dans Nature Communications.​​

Publié le 21 novembre 2023
Nous avons d’abord montré [collaboration] que l’algue ne vit pas dans les cristaux de glace, mais qu’elle se développe dans l’eau liquide qui circule dans la neige, en périphérie de ces cristaux. Les biologistes ont ensuite analysé l’architecture cellulaire de l’algue grâce à la microscopie électronique 3D. Ils ont ainsi révélé les adaptations qui lui permettent de se multiplier dans la neige. Par exemple, ils ont observé que la membrane cellulaire de Sanguina est parcourue de petites rides qui augmentent sa surface ​de contact avec l’extérieur. Ceci permet à l’algue de mieux extraire les ions nécessaires à sa croissance d’un milieu extrêmement pauvre en nutriments.

L’intérieur de la cellule réservait aussi des surprises. L’algue est dotée d’un unique chloroplaste. À l’intérieur de celui-ci, les thylakoïdes, ces structures en lamelles où la photosynthèse a lieu, ne sont pas dirigés dans une seule direction comme dans la plupart des végétaux. Chez Sanguina nivaloides, ils s’ouvrent en éventail de façon à recevoir la lumière de toutes les directions. Une adaptation propre à la vie dans la neige, un milieu où la lumière se diffuse et se réfléchit comme dans une galerie des glaces. Les mitochondries, centrales énergétiques de la cellule, se placent directement en périphérie du chloroplaste pour utiliser l’amidon que celui-ci synthétise. L‘équipe de recherche s’est enfin intéressée aux pigments rouges de l’algue. Ils ne serviraient pas, comme on le pensait, à protéger le noyau cellulaire du rayonnement UV. Constitués de caroténoïdes, ils permettraient à l’algue de se prémunir contre les effets délétères des radicaux libres oxydants, dans un milieu enveloppé d’une lumière de très vive intensité.

Après la fonte des neiges, l’algue se retrouve dans le sol et entreprend une véritable métamorphose pour s’adapter à un milieu radicalement différent. Les scientifiques voudraient à présent comprendre ce processus encore jamais étudié. Le temps presse car tout l’écosystème dépendant de Sanguina nivaloides est menacé par le changement climatique et la réduction de l’enneigement en montagne.


Architecture tridimensionnelle de la cellule d’algue des neiges Sanguina nivaloides.
© Grégory Si Larbi (LPCV)

Travaux réalisés au Laboratoire physiologie cellulaire & végétale (CNRS-CEA-UGA-Inrae), au Centre national de recherches météorologiques (CNRS-Météo-France), au laboratoire Modélisation et exploration des matériaux (CEA-UGA), à l’Institut de biologie structurale (CNRS-CEA-UGA), et l’unité d’appui et de recherche Jardin du Lautaret (CNRS-UGA).

​Ces travaux ont été soutenus par l’ANR dans le cadre du programme AlpAlga, et sont les premiers publiés avec l’aide de la Fondation Kilian Jornet.​


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