Au cours des premières étapes de leur développement, les Angiospermes constituant la grande famille des plantes à fleurs, ne verdissent qu’en présence de lumière suivant un programme nommé photomorphogenèse. Les cellules de la feuille accumulent alors toutes les protéines nécessaires à la photosynthèse pendant la formation de chloroplastes matures, caractérisés par leur couleur verte. Ce développement du chloroplaste fonctionnel requiert l'expression de gènes portés par l'ADN du noyau et de gènes portés par l'ADN contenu à l'intérieur de l’organite. Il reste de nombreux mystères autour des mécanismes (moléculaires et génétiques) permettant de coordonner l’expression de ces deux génomes. Mais ces mécanismes sont essentiels, car ils permettent notamment d’utiliser les réserves de la graine de façon optimale selon que la jeune plantule est plus ou moins profondément enfouie dans le sol.
Chez la plupart des Angiospermes, l’ARN polymérase PEP du chloroplaste est un complexe protéique dont le cœur catalytique est codé par le plaste lui-même. La PEP s’associe à 12 protéines codées par des gènes nucléaires nommés PAP (PEP-Associated Proteins) dont l’expression est régulée par la lumière. En présence de ces PAP, les gènes chloroplastiques associés à la photosynthèse sont activés. PAP8 est une sous-unité essentielle de l'ARN polymérase car la perte de sa fonction conduit au syndrome létal d’albinisme avec un arrêt du développement des plastes qui sont alors incapables de verdir.
Dans cette étude, des chercheurs de notre laboratoire ont examiné la régulation et la fonction du gène PAP8 in vivo. Ils ont montré que la protéine PAP8, par des mécanismes méconnus, est localisée dans le noyau et dans le chloroplaste avec un rôle distinct dans les deux compartiments. Son absence perturbe la voie de signalisation nucléaire du photorécepteur PhyB. La plantule est moins réactive à la lumière, le programme de photomorphogenèse est suspendu alors que le programme antagoniste de développement à l’obscurité est maintenu. En se basant sur les séquences d’adressage de PAP8, les chercheurs ont généré des protéines artificielles, variantes « mono-localisées » soit dans le noyau, soit dans le chloroplaste permettant de montrer que les fonctions de PAP8 ne peuvent pas être découplées (aucune protéine variante ne permet de corriger complètement les défauts du mutant). Alors que dans le chloroplaste, PAP8 est associée à la PEP et reste indispensable au verdissement, sa fonction nucléaire semble quant à elle fortement impliquée dans la coordination de l’expression des gènes nucléaires avec celle des gènes chloroplastiques.
L’ensemble des données obtenues indique qu’un mouvement rétrograde (en référence aux signaux envoyés par les organites en direction du noyau) de la protéine PAP8 vers le noyau pourrait, avec d’autres protéines du complexe, réguler l’expression des gènes nucléaires en fonction de l’état des plastes et de leur capacité à produire les protéines de l’appareil photosynthétique, mécanisme décrit depuis la fin des années 1990 sous le terme de couplage génétique. De par sa double localisation, PAP8 représente une nouvelle composante de régulation qui relie la photomorphogenèse et la biogenèse des chloroplastes. PAP8 est donc un nouveau membre de la famille des protéines nucléo-plastidiques impliquées dans la biogenèse des chloroplastes.