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Fait marquant

Une nouvelle théorie évolutive pour expliquer l’origine de l’oxygénation de l’atmosphère


​​​L’émergence de la photosynthèse oxygénique ne suffit pas à elle seule pour rendre compte de l’augmentation massive en O2 de l’atmosphère il y a 2,4 milliards d’années. Des chercheurs de notre laboratoire émettent l'hypothèse que des lipides membranaires auraient probablement pu jouer un rôle dans ce phénomène majeur. Cette théorie propose une réponse plausible à l’émergence des thylacoïdes et au  grand événement d'oxygénation.

Publié le 23 septembre 2022
Il y a environ 4 milliards d’années, différentes formes de vie sont apparues sur Terre dans un environnement sans dioxygène (O2). Celles-ci sont à l’origine de deux des trois grands « domaines » du vivant encore présents sur notre planète, les « Archaea » et les « Bacteria » (Figure 1, ①).

La « photosynthèse oxygénique » est un type de photosynthèse qui permet de capturer le CO2 atmosphérique en lui associant des atomes d’hydrogène provenant de l’eau ambiante, conduisant à la production de dioxygène (O2). Cette libération d’O2 a eu un impact majeur sur la Terre, favorisant ce que l’on appelle le « grand événement d'oxygénation » (GOE) apparu il y a environ 2,4 milliards d’années, première étape vers le chargement en dioxygène de l’atmosphère terrestre (Figure 1, ③). Grâce à la reconstruction de l’évolution des protéines (phylogénie moléculaire) et à l’examen de roches fossiles, on estime que la photosynthèse oxygénique est apparue chez les Bacteria il y a au moins 3 milliards d’années (Figure 1, ②), à la racine du groupe des cyanobactéries actuelles. Chez ces cyanobactéries primitives (proto-cyanobactéries), il n’y avait pas encore de thylacoïdes (membranes intracellulaires spécialisées pour réaliser la photosynthèse) ; les photosystèmes (complexes protéiques captant l’énergie lumineuse) étaient insérés directement dans les membranes limitant les cellules.


Figure 1 : Impact des organismes photosynthétiques sur l’atmosphère terrestre. L’apparition des architectures cellulaires primitives est indiquée, et les membranes photosynthétiques sont schématisées en vert. « GOE » : grand événement d’oxygénation ou grand événement d’oxydation (apparition du dioxygène dans l’atmosphère).

Des chercheurs de notre laboratoire ont évalué le rôle de l'apparition des thylacoïdes à l’intérieur des cellules de type cyanobactéries. Ils ont montré que ces membranes supplémentaires ont augmenté la surface photosynthétique en introduisant un effet multiplicateur cohérent avec un impact majeur sur l'oxygénation de l’atmosphère. Toutefois, que l’on parle des cyanobactéries ou des chloroplastes qui en dérivent chez les « Eukarya », il n’existe pas à ce jour de protéines capables de provoquer le « bourgeonnement » de telles structures membranaires intracellulaires à partir de membranes périphériques. Les chercheurs ont alors exploré une piste alternative qui ne met pas en jeu de bourgeonnement membranaire mais une simple transition entre une phase comprenant des lipides ne s’auto-organisant pas en membranes mais en phase dite hexagonale inversée (phase « Hexagonale II » ou HexII) et une phase de membranes empilées (phase « Lamellaire » ou Lm) (Figure 2).


Figure 2 : Une addition de lipides Lm (phase lamellaire) à des lipides HexII (phase hexagonale II) peut générer des multicouches de membranes par une transition de phase non-vésiculaire (origine des thylacoïdes).

L'acquisition de la biosynthèse du sulfoquinovosyldiacylglycérol, un sulfolipide, est corrélée à l'émergence des thylacoïdes, permettant un apport suffisant en lipides anioniques de type Lm pour déclencher une transition de phase HexIILm. Avec cette transition de phase lipidique non vésiculaire, un cadre est également disponible pour réexaminer le rôle des protéines compagnes dans la biogenèse des thylacoïdes non concentriques (Figure 1, ④). La biogenèse non vésiculaire des thylacoïdes a d’ailleurs été observée chez les cyanobactéries actuelles.
Cette théorie qui propose une réponse plausible à l’émergence des thylacoïdes et au GOE a été sélectionnée pour faire partie des Darwin Reviews de Journal of Experimental Botany. 

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