Chez les plantes, les cellules souches sont groupées au sein de structures appelées méristèmes à l’origine de la quasi-totalité des organes végétaux. Ainsi les fleurs se développent à partir de méristèmes floraux qui naissent sur les flancs des tiges. L'identité florale de ces méristèmes est conférée par quelques gènes, parmi lesquels le facteur de transcription LEAFY joue un rôle primordial. Des travaux récents viennent de montrer que LEAFY a en fait une double fonction : il est capable des stimuler la formation des cellules souches avant de les transformer en fleur.
Lorsqu’une plante est jeune, le méristème situé à la pointe de la tige principale produit sur ses flancs des méristèmes latéraux qui deviennent des feuilles et des tiges. Une fois que la plante fleurit, les nouveaux méristèmes latéraux produits se développent en fleurs. L’identité de ces méristèmes est déterminée par des régulateurs clés du développement végétal. Ainsi, le gène
LEAFY (
LFY) leur confère une identité florale.
Pour remplir cette fonction,
LFY agit comme un gène maître : il code pour un facteur de transcription et régule l’expression de
gènes homéotiques responsables de la production des organes floraux comme les pétales ou les étamines.
Nous nous s’intéressons aux mécanismes qui contrôlent l’élaboration des fleurs et en particulier aux mécanismes d’interaction de LFY avec l’ADN. Des études structurales
[1], avaient montré que LFY se dimérise sur l’ADN. Profitant de la structure cristallographique ainsi établie, un variant de LFY vient d’être conçu (LFY
HARA) chez qui cette dimérisation est perturbée et la liaison à l’ADN affaiblie.
Que se passe-t-il lorsque la protéine mutée LFY
HARA est ré-introduite
in planta ? À la différence de la protéine LFY sauvage, LFY
HARA a beaucoup de mal à stimuler la formation de fleurs lorsqu’elle est exprimée dans la plante. Elle se révèle par contre un inducteur puissant de la croissance de méristèmes latéraux. En ré-examinant la liste des gènes cibles de LFY établie à l’échelle génomique dans une étude précédente
[2], nous avons identifié le gène
RAX1 (
Regulator of Axillary Meristems 1) et montré qu’il est effectivement induit par LFY et nécessaire à la stimulation des méristèmes
[3]. Nous proposons donc un double rôle pour LFY : stimuler la formation des cellules souches et les transformer en fleur.
Base de la rosette chez Arabidopsis thaliana vue à la loupe. (A) Plante sauvage : les méristèmes axillaires à la base des feuilles de rosette restent quiescents et ne forment pas d’organes. (B) Plante surexprimant LFY : les méristèmes végétatifs axillaires sont activés et forment des fleurs. (C) Plante surexprimant le gène LFYHARA : les méristèmes axillaires ne forment pas de fleurs mais des tiges axillaires qui continuent à croître.
Cette nouvelle fonction aide à comprendre comment LFY peut contrôler, par une action sur les méristèmes, l’architecture du plan de riz ou la forme des feuilles du pois, des observations qui jusque là semblaient en contradiction avec son rôle purement floral. Ces travaux montrent également comment la biologie structurale couplée à des études fonctionnelles peut révéler des fonctions essentielles jusque-là passées inaperçues.
Méristème : groupe de cellules végétales indifférencié à l’origine de la formation des organes d’une plantes.
Un gène homéotique est un gène qui détermine l’identité d’un organe ( par exemple aile vs patte chez une mouche, sépale vs étamine chez une fleur).