L'anatomie d'un organisme vivant, qu'il soit végétal ou animal, est inscrite dans son patrimoine génétique : ce sont les gènes architectes qui gouvernent la nature et la position de ses organes. L'évolution des êtres vivants au cours du temps est donc souvent dictée par l'évolution de ce type de gènes. Les mutations de ces derniers contribuent ainsi à faire évoluer les morphologies, voire à créer de nouveaux organismes. Mais elles peuvent aussi être fatales, si les changements qu'elles induisent sont trop brutaux. Pour cette raison, l'évolution d'un gène architecte se fait le plus souvent après sa duplication, un événement de dédoublement du gène où l'une de ses deux copies assure la fonction originale, tandis que l'autre peut évoluer librement.
Nous venons de montrer que le gène architecte
LEAFY (codant pour la protéine du même nom) a réussi à évoluer sans duplication. Chez les plantes à fleurs, ce gène orchestre la formation du bouton floral et de ses différents organes (sépales, pétales, étamines et pistil). Il était déjà présent, mais avec des propriétés différentes, chez les végétaux plusieurs centaines de millions d'années avant l'apparition des fleurs. En témoigne la présence de la protéine LEAFY chez des algues et chez les mousses qui sont des végétaux sans fleurs. L'acquisition des propriétés requises pour sa fonction florale s'est faite en douceur
via une forme intermédiaire, ayant cumulé les caractéristiques anciennes et nouvelles, celles de l'algue et de la plante à fleur. Cette forme intermédiaire a pu être identifiée car elle existe toujours chez
Nothoceros aenigmatica, une espèce apparentée aux mousses. C'est la première fois qu'un tel mécanisme d'évolution est mis à jour pour un gène architecte.
Ce mode d'évolution est probablement impliqué dans d'autres types de gènes architectes comme ceux responsables du développement des embryons chez les insectes ou les mammifères.