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Fait marquant

Une mitochondrie à l’interface entre bactéries anaérobies facultatives, plantes et animaux



​​​​Identifications de nombreux composants mitochondriaux nouveaux, illustrant la diversité métabolique de la mitochondrie dont certaines voies métaboliques combinant des enzymes mitochondriales classiques, des enzymes typiquement bactériennes et des composants (métabolisme anaérobie...) jusqu’alors inconnus chez les eucaryotes mitochondriaux.

Publié le 22 octobre 2009

Les mitochondries jouent un rôle clé dans la vie et la mort des cellules eucaryotes, mais la diversité de leurs fonctions est loin d’être complètement établie, en particulier dans les organismes photosynthétiques. Il est maintenant admis que les mitochondries dérivent de l'endosymbiose d'une α-protéobactérie, probablement de l’ordre des Rickettsiales, il y a environ 2 milliards d'années. Au cours de l'évolution, l'ADN de cette bactérie ancestrale a perdu de nombreux gènes qui ont, pour certains, été transférés vers le noyau de la cellule eucaryote hôte.


Chlamydomonas reinhardtii est une algue eucaryote unicellulaire, biflagellée et photosynthétique qui a longtemps fasciné les scientifiques car elle possède des caractéristiques de plantes et d’animaux. Chlamydomonas combine la simplicité d'un organisme unicellulaire qui se prête à des criblages génétiques, à des approches biochimiques, ainsi qu’à des études de transgenèse puisqu’il est possible de transformer ses trois génomes : nucléaire, chloroplastique et mitochondrial. Au cours de ces dernières décennies, des études utilisant Chlamydomonas ont permis des avancées majeures dans les domaines de la motilité, de la photosynthèse et de l'évolution. En 2007, de nombreuses données génomiques (Joint Genome Institute, USA) ont été rendues accessibles à la communauté internationale. En particulier, des ressources telles que le clustering de plusieurs dizaines de milliers d’ESTs et la première version de la séquence de son génome nucléaire (121 méga-bases) ont ouvert la voie à des études protéomiques ciblant cet organisme eucaryote.

Dans le cadre d’une étude protéomique ciblée sur la mitochondrie de Chlamydomonas reinhardtii, des chercheurs et notre laboratoire et de l'équipe EDyP du laboratoire Biologie à Grande Échelle de notre institut ont identifié de nombreux composants mitochondriaux nouveaux, illustrant clairement la diversité métabolique de l’organite. En particulier, certaines voies métaboliques combinent des enzymes mitochondriales classiques, des enzymes typiquement bactériennes et des composants (métabolisme anaérobie...) jusqu’alors inconnus chez les eucaryotes mitochondriaux. En collaboration avec l’université de Düsseldorf, nous avons également apporté de nouvelles informations concernant l’histoire évolutive de la mitochondrie. Plus de 200 protéines mitochondriales de Chlamydomonas ont été comparées avec leurs homologues codés par les 354 génomes procaryotes et eucaryotes séquencés à ce jour.

Si cette analyse phylogénétique montre qu’Arabidopsis thaliana est l’eucaryote végétal le plus proche, elle révèle aussi que les α-protéobactéries environnementales de l’ordre des Rhizobiales ou de celui des Rhodobacterales reflètent mieux le contenu de l’ancêtre des mitochondries de Chlamydomonas que les α-protéobactéries parasites de l’ordre des Rickettsiales.

Similarité de séquence et distribution des homologues des protéines mitochondriales de Chlamydomonas dans les génomes séquencés.
A, Identité de séquence et présence ou absence des protéines dans les 354 génomes séquencés présentant la meilleure homologie pour chacune des 212 protéines mitochondriales de Chlamydomonas. Le pourcentage d'identité est représenté en code couleur. L’eucaryote avec le plus grand nombre de hits est Arabidopsis.
B, Distribution de fréquence des protéines d’α-protéobactéries dans les arbres phylogéniques construits pour les homologues de 183 protéines mitochondriales de Chlamydomonas. On note ici que les Rhizobiales ou les Rhodobactérales reflètent mieux le contenu de l’ancêtre des mitochondries de Chlamydomonas que les Rickettsiales.
La théorie endosymbiotique définit un ensemble d'événements et de processus évolutifs qui ont conduit à la formation des organites (mitochondrie et chloroplaste) dans les cellules eucaryotes. La mitochondrie est le résultat de l'incorporation d'une bactérie par une cellule eucaryote primitive. Plus tard, le premier chloroplaste a été formé par l'incorporation d'une cyanobactérie. Parmi les nombreuses transformations qui ont à chaque fois affecté tant la cellule eucaryotique hôte que la cellule bactérienne endosymbiotique, les plus importantes ont été les transferts de gènes des endosymbiotes dans les cellules hôtes. À chaque fois, plus de 90% du génome de l'endosymbiote a été transféré dans le noyau de l'hôte (toutefois, quelques gènes ont pu être perdus au cours du transfert). Ce sont ces transferts de gènes qui ont permis à la cellule hôte de contrôler complètement les nouveaux organites. En effet, ces gènes transférés codent des protéines essentielles à la maintenance et au fonctionnement des organites : ces protéines produites dans le cytoplasme cellulaire sont ensuite exportées dans l'organite concerné pour y exercer les mêmes fonctions qu'elles avaient dans la bactérie originelle.

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