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Équipe Plantes, Stress & Métaux

Métabolisme et stress

Publié le 10 janvier 2019
Les résultats suivants ont été obtenus en utilisant la spectrométrie RMN qui est un outil permettant à la fois de dresser un profil métabolique et d'analyser in vivo la compartimentation fonctionnelle (intégrée) des grandes voies métaboliques :

• Certains remaniements cellulaire tels que l'autophagie provoquée par une carence de substrats carbonés libèrent de la glycérylphosphorylcholine (GPC) par désacylation de la phosphatidylcholine. Deux phosphodiestérases (PDE), une pariétale et une vacuolaire, clivent la GPC en choline et en glycérol 3-P qui alimente la respiration en substrats carbonés. La PDE pariétale a été purifiée, fonctionnellement caractérisée, et le gène codant pour cette enzyme décrite pour la première fois dans le monde végétal a été identifié (van der Rest et al. 2002 ; 2004).

• En dehors de la GPC et de la phosphorylcholine, la carence de substrats carbonés libère des acides aminés issus de l'hydrolyse des protéines. Ainsi, le pool de glutamate augmente, tandis que la désamination oxydative du glutamate contribue significativement à la fourniture de substrats respiratoires (α-cétoglutarate). Deux enzymes, la glutamate déshydrogénase et l'aspartate aminotransférase concourent alors à l'alimentation du cycle des acides tricarboxyliques en substrats carbonés (Aubert et al. 2001).

• Par ailleurs, la RMN du 31P a permis de montrer que la concentration en phosphate du cytosol des cellules végétales est de l'ordre de 50 à 100 µM, soit 1 ou 2 ordres de grandeur de moins que les valeurs couramment admises. En plus, cette très petite concentration de Pi cytosolique permet qu'il s'effondre au dessous des seuils de détection par la RMN dans les minutes qui suivent l'installation d'une carence dans l'apport de phosphate aux cellules. Le métabolisme cellulaire s'en trouve affecté. Nous analysons les échanges de Pi entre la vacuole, le stroma et la matrice des organites à la faveur des entrées et des sorties de carence et en présence d'un analogue du phosphate, le méthylphosphonate (Pratt et al. 2009).

• Toujours en utilisant la technique de RMN nous avons montré que l'acidose cytoplasmique qui accompagne toute anoxie est provoquée par l'accumulation dans le cytoplasme du phosphate libéré au cours de l'effondrement du pool des nucléotides triphosphates (NTP) que la respiration ne peut plus renouveler alors qu'ils continuent à être utilisés par le métabolisme des cellules. Cette acidose n'est pas combattue par l'ATPase pompe à protons du plasmalemme elle-même inactivée en anoxie. Elle est seulement atténuée au bout d'une quinzaine de minutes d'anoxie par des processus de fermentation qui restaurent en partie le pool des NTP (Gout et al. 2001). Elle freine en outre le transport de l'eau à travers les porines des membranes cellulaires (Tournaire-Roux et al. 2003).

• Autre situation de stress, l'action de métaux lourds sur le métabolisme des cellules végétales. Elle a été étudiée dans le cas du cuivre et du cadmium. L'excès de cuivre bloque la biogenèse des mitochondries et augmente l'expression de l'oxydase alternative (AOX), et partant stimule la voie respiratoire dite insensible à l'action du cyanure. Cette baisse du nombre de mitochondries par cellule et les disfonctionnement de la respiration pourraient être l'une des causes de l'action létale d'un excès de cuivre (Pàdua et al. 1999).
Par ailleurs, les ions Cd2+, co2+, PB2+ et Zn2+ renforcent l'accumulation d'un composé intermédiaire de la voie de synthèse chloroplastique des isoprénoïdes, le méthylérythritol-cyclodiphosphate ou MEcDP, dans les tissus chlorophylliens exposés à une forte lumière à température élevée (30°C ou plus). Ces métaux interagissent avec la synthèse de l'enzyme (GcpE) qui métabolise le MEcDP. La GcpE est une enzyme comportant un cluster à 4 atomes de fer et 4 atomes de soufre à son site catalytique. Nous avons montré que l'accumulation de MEcDP résulte de l'action de facteurs qui accélèrent la dégradation du cluster 4Fe,4S de la GcpE (formes actives de l'oxygène générées dans les plastes par l'activité photosynthétique) ou qui freinent sa synthèse (action de métaux qui se substituent aux atomes de fer du cluster) (Rivasseau et al. 2009).

• Pour répondre au stress engendré par une forte irradiation lumineuse, mais cette fois à basse température, certaines plantes alpines (soldanelle, homogyne et renoncule des glaciers) ont développé des stratégies de défense originales. Par exemple, la synthèse d'enzymes moins sensibles à l'action de la lumière, l'accumulation de composés antioxydants, la dissipation de l'énergie lumineuse par fluorescence, ou la modification du couplage entre le transfert d'électrons et le transport vectoriel de protons (travail effectué à la station alpine du col du Lautaret en collaboration avec des chercheurs des universités d'Orsay, de Francfort et de Würzburg) (Streb et al. 2003 ; 2008).
Par ailleurs, les profils métaboliques établis par RMN du 13C chez le genre Geum et chez des genres apparentés ont révélé la présence de méthyl-ß-D-glucopyranoside, glucoside qui n'avait pas encore été signalé chez les plantes. La collection botanique unique du Jardin Alpin du Lautaret a permis de montrer que cette particularité n'existe que chez certaines plantes de la famille des Rosacées, essentiellement des plantes montagne (Geum du Caucase, du Japon, de Patagonie et d'Amérique du Nord ; Woronovia du Caucase ; Waldenstenia d'Amérique du Nord ; etc.). La fonction biologique de ce composé qui peut être majoritaire est en cours d'étude. On pense par exemple au piégeage de radicaux libres libérés au cours de stress oxydatifs, à des ajustements osmotiques, à un rôle cryoprotecteur, à une réserve de carbone, etc. (Aubert et al. 2004).

• Nous étudions enfin des micro-algues qui vivent dans des piscines de refroidissement d’éléments nucléaires usés. Peu d’organismes eucaryotes sont capables de vivre dans de tels environnements où rayonnements ionisants et composés toxiques constituent le quotidien! La plus résistante d’entre elles, qui appartient à une nouvelle espèce de micro-algue, survit après irradiation à une dose de 20000 Gy. Bien qu'il s'agisse d'un organisme eucaryote, sa résistance aux rayonnements ionisants (DL50 de 10 kGy) est comparable à celle des bactéries les plus radiorésistantes connues telles que Deinococcus radiodurans. Elle possède de plus la propriété d’accumuler des cations métalliques. Testée pour l’épuration d’effluents nucléaires, elle décontamine efficacement des radionucléides tels que 238U, 137Cs,  60Co et 110mAg.
Cette micro-algue est la candidate idéale pour un procédé biologique de décontamination d'effluents nucléaires. Dans le cadre des programmes de toxicologie nucléaire du CEA, nous étudions l'origine de ses propriétés remarquables et nous développons un procédé de décontamination basé sur cette algue, en collaboration avec la Direction de l’Energie Nucléaire et l’Institut Laue Langevin (contact, C. Rivasseau).